22 juillet 2022

Cap Nord #5 : Nordkapp

De Tromsø au Cap Nord, "seulement" 550 kilomètres... mais avec des passages de 80 et 100 kilomètres sans rien, ni village, ni eau... Cinq jours pour faire cette distance. Les deux dernières étapes de 110  et 130 km, un choix imposé par les conditions météo. À cette latitude, on évite de se faire attraper par une vague de pluie ! On arrive au bout épuisé. Depuis Tromsø, les groupes à géométrie variable se font, se défont, se reforment, en fonction des affinités et de la vitesse chacun. Trois jours avant la fin, notre groupe est stable, une véritable "dream team".


 


18 juillet, 69° 44' lat N

C'est enfin le départ, à 13 heures. Une dizaine de kilomètres sur une route principale, bien pénible. Il fait gris, et terriblement froid. La chaîne saute de temps en temps. Tout ce que je demande, c'est que ça tienne 550km. Je vais beaucoup marcher en poussant le vélo dans les montées. Je profite des ferrys pour me réchauffer, mais les traversées sont courtes. Dans le premier ferry, il y a un bus pour Alta. Il s'en est fallu de peu, j'ai failli céder à la tentation.
Les montagnes sont écrasantes, elles ont les pieds dans la mer. Le regard est attiré par certains névés aux couleurs inhabituelles... ce sont des glaciers ! Altitude au moins 200 mètres. J'attrape le second ferry à deux minutes près. Là encore je soupçonne l'employé qui ferme les barrières de m'avoir vu de loin et de m'avoir attendu.
Au débarcadère, appel vidéo WhatsApp parce qu'il y a plein d'anniversaires dans la famille. Le genre d'activité où on prend un sérieux risque de regretter d'être parti. Encore 20 km, dont 10 sous la pluie, pour rejoindre Douglas, dans une cabane chauffée au feu de bois. Manifestement on n'avait pas le droit d'être là, mais qu'est-ce que c'était bien. On s'y retrouve cinq cyclistes.







 

19 juillet, 69° 50' lat N






 20 juillet, Alta, 69° 58' lat N

Il pleut ce matin. Je m'étais levé vers 5h30, vaincu par la lumière. Pas le temps de faire sécher la tente, tout est mouillé. Départ à... 7h! Le vélo marche beaucoup mieux : hier soir, j'ai réindexé les vitesses, ça ne saute plus. Le mécano à Tromsø ne devait pas savoir que c'est mieux de régler les vitesses quand on change une roue.
Douglas part devant comme une flèche. Il veut faire resserrer les rayons de sa roue avant à Alta... à 120 km.
Aujourd'hui je sais que ça va être long. Il faut arriver à Alta pour que l'étape de demain soit réalisable. Demain c'est la partie la plus sauvage. 80 km sans rien, une bonne partie à 400m d'altitude, ce qui change tout. On n'a pas envie de bivouac au milieu de nulle part, surtout que la pluie est annoncée. 130 km aujourd'hui, 110 demain, 130 après-demain.
Aujourd'hui c'était ciel bleu. Pour la première fois j'ai vu des rennes. À midi, on s'est retrouvé par hasard avec Mélanie et Justav, avec qui on bivouaque depuis deux jours. Plus tard, on s'est aidé avec Justav pour franchir un petit problème, une route bien coupée, pas vraiment signalée.
Justav a un bullit, un vélo cargo. On est passé par-dessus.






Justav s'est arrêté dans un chouette endroit, 30 km avant Alta. J'ai rassemblé, avec difficulté, ce qu'il me restait de forces pour continuer jusqu'à Alta. Pour la première fois j'ai vu ce panneau. Quelle émotion !

Le célèbre panneau qu'on retrouve en photo dans tous les blogs !


Douglas et Mélanie m'attendaient. On a trouvé un coin de bivouac vraiment sympa. À cause de la pluie annoncée pour le début d'après-midi demain, on a loué une cabine à l'arrivée, à Olderfjord. Savoir qu'on va dormir au sec après plusieurs heures de pluie glaciale, ça détend l'atmosphère...

Alta

 

21 juillet, Olderfjord, 70° 28' lat N

Ça y est, c'est passé, la route mythique, 80 km sans rien, même pas de l'eau potable, au milieu de la toundra, à 400m d'altitude, où les arbres sont rares et rabougris. Il peut neiger ici n'importe quand dans l'année. On a vu des vidéos avec des cyclistes en train de pleurer, ici. On s'était levé tôt pour arriver tôt. La météo a été favorable : un solide et tiède vent de dos. Je retrouve tous les noms des livres que je suis en train de lire : Skaidi, Hammerfest...  

 

 

 

 

 

À Skaidi justement, je mange local dans une station service : hot dog entouré de bacon, coca. Ça dégouline de graisse, c'est pas vraiment mauvais mais pas bon non plus... Très efficace comme apport d'énergie !
Plus que 20 km pour rejoindre la cabin à Olderfjord.


Olderfjord : en une journée, est-ce raisonnable ? Non. Est-ce faisable ? On décide que oui.

 

22 juillet, Nordkapp, 71° 10' 21" lat N

Ce matin on s'est levé à 6h, pour partir à 7h30. Comme d'habitude chacun va à sa vitesse. Il n'y a rien à acheter jusqu'à Honningsvåg, c'est-à-dire à 100 km. Il y a un fort vent glacial, il ne nous est pas franchement défavorable.

le long de Porsangerfjorden



Au loin, l'île de Magerøya (celle du Cap Nord) et la ville de Honningsvåg


Le franchissement du célèbre tunnel a été moins pire que prévu. Il est beaucoup plus large que ce qui est parfois décrit. Le bruit par contre est au-delà du supportable. Pendant de longs moments j'avais l'impression de ne plus avoir de cerveau entre les oreilles. 
À Honningsvåg, je retrouve mes compères, dans une station-service, forcément. Je profite de la gastronomie norvégienne, c'est-à-dire de hot-dogs bien gras et sans aucun goût, mais plein de calories. Et après déjà 100 km parcourus, on commence les 30 derniers, qui vont être vraiment difficiles. La majorité du parcours est constituée de pente à plus de 8%. Mais les paysages sont à couper le souffle. Le vent est violent (il y a un avis d'alerte) et glacial... comme d'habitude, mais en pire, parce qu'on est à 300m d'altitude. Plus d'arbre, végétation rase, des troupeaux de rennes un peu partout. Mélanie fait remarquer que la nature semble nous dire que notre place n'est pas ici, qu'on devrait quitter les lieux. 





À l'arrivée, au péage, c'est la bonne surprise. Les cyclistes ont droit à un traitement de faveur. On nous donne le passe pour l'entrée dans le bâtiment touristique. On peut y rester autant qu'on veut pour se protéger du froid, du vent, de la pluie. D'abord, avec Mélanie et Douglas, on va se faire prendre en photo sous toutes les coutures à côté du monument officiel, c'est-à-dire le célèbre globe en métal. Et après on reste des heures dans la grande salle du bâtiment, pour tenter de se réchauffer. Arrivée à 18 heures.