Ça aurait été tellement plus élégant de partir de la maison en pédalant. Les routes entre Grenoble et l'EV6, plus au Nord, n'ont rien de cyclable. Et c'est plus facile de commencer par quelques kilomètres de plat (bon, d'accord, là c'est 2000 km sans relief), en évitant les deux premiers jours de collines. Le vélo n'a jamais été aussi lourd. Qu'est-ce que ça aurait été sans cette dispendieuse chasse au poids 😯!
15 mai
Le trajet est tout de suite assez joli, le long de la Saône.
Je passe une moitié de l'après-midi avec un amical couple
germano-irlandais. On se quitte en buvant un coup dans une agréable
guinguette au bord de l'eau.
Bivouac sur les bords du canal du Rhône au Rhin.
premier bivouac |
16 mai
Plein d'orage pendant la nuit. Toute la journée se passe au
bord de canaux. C'est peu varié, mais on est tranquille, et depuis ces
canaux on a l'impression que la France est un pays uniquement composé de
belles campagnes et de jolis villages au clocher typique.
Le soir et le matin, c'est une explosion de chants d'oiseaux qui se répondent. Joli bivouac à une écluse.
17 mai
Canaux le matin, petites routes de campagne l'après-midi. Courses à Langres. C'est la canicule, mais il y a de l'eau dans chaque cimetière.
La Meuse, joli ruisseau. |
Ce matin, j'aurais pu cracher dans le canal, et ce serait
arrivé dans la Saône et donc dans le mer Méditerranée. À midi, j'ai
traversé la Marne quelques kilomètres après sa source, dont l'eau
termine dans la Manche. Et donc ce soir, si je renverse un peu d'eau par
terre, elle finira... dans la mer du Nord. Fascinant non 😄?
Dans un village j'ai discuté moment avec un couple de
cyclos hollandais qui allaient dans l'autre sens. Ils m'ont donné le
nom d'un site internet qui permet de demander d'aller camper dans des
jardins de particuliers.
Bivouac long à trouver... parce que je deviens exigeant. Ce soir je campe dans la maison des moustiques. Mauvaise pioche : ce petit bois était proche d'une voie ferrée, avec des trains de fret qui ont roulé toute la nuit.
18 mai
Peu de photos aujourd'hui, les paysages se ressemblent, des champs, des fermes, des villages... La chaleur fatigue. Et bivouac au bord de la Meuse, en totale violation de la propriété privée 🤫, dans un joli petit champ tout juste fauché. J'ai du sommeil à rattraper.
19 mai
Peu de changements dans les paysages. Il y a eu des beaux moments.
À St-Mihiel, où j'ai fait la pause, la Meuse a beaucoup
grossi, depuis ce matin où je la regardais à côté du champ où j'ai si
bien dormi.
J'ai papoté un bon moment avec un cyclo Breton (avec les
bretons, il faut toujours que ça se voie, il y a toujours au moins un
Gwen ha du accroché aux sacoches 😄), il était plus chargé que moi 😲!
On s'est fait un petit café au camping-gaz. Ce soir je suis hébergé par une membre du réseau warmshowers à Verdun. Quand j'y suis arrivé, mon image dans un miroir, après 5 jours de camping sauvage pendant la canicule, m'a un peu effayé. J'ai eu l'air un peu moins barbare après une douche.
Verdun |
20 mai
La journée commence plutôt bien : avec Jean-Marie, l'autre
invité warmshowers, on fait durer plus que de raison le petit-déjeuner
au bar. Les cyclistes sont bavards ! Je commence à croiser quelques cyclo-voyageurs. Cet itinéraire le long de la Meuse est assez apprécié.
En fin de matinée, j'entends des voix derrière moi. Je vais
passer deux heures avec deux dames autrichiennes, la soixantaine passée,
joyeuses et exubérantes. On passera le premier arrêt-pluie dans un abri
bus à faire du café et à manger des chocolats en attendant que l'orage
passe...
Je continue seul à éviter les orages, à préparer la suite du
voyage dans un abri-bus. Je mets du temps à trouver le lieu du bivouac,
ce soir c'est en mode "bushcraft".
21 mai
Ce matin je suis réveillé par des agriculteurs qui recherchent leurs vaches enfuies. J'ai au moins pu leur dire qu'elles n'étaient pas dans la forêt. Peu de photos. Les paysages se succèdent, je retrouve le canal un peu avant Sedan. Le soir c'est camping à Charleville Mézières. Si j'avais continué 3 km sur l'itinéraire, j'aurais trouvé des places pour bivouaquer. Charleville Mézières n'est pas du tout la petite ville triste que je m'imaginais.
22 mai
Dimanche, c'est une étape consacrée aux méandres de la Meuse. 80 km, 40 km en ligne droite 😄! Mais un très beau trajet. Camping à Givet, dernière commune française avant la Belgique.
la Meuse |
23 mai
Quelle bonne surprise ! Encore le long de la Meuse, avec de jolis passages, de jolies villes, comme Dinant. L'accueil chez les hôtes warmshowers où je suis reçu est encore une fois génial. Grâce à eux, j'ai écouté les trombes d'eau qui tombaient sur la véranda, au lieu de la tente.
24 mai
Les paysages changent. On n'est pas loin du centre industriel
de l'Europe, et ça se voit. Parfois l'itinéraire s'éloigne de la Meuse
et navigue entre des usines gigantesques... et des reliques d'un âge
d'or terminé. Le soir, je passe la frontière sur un petit bac, le premier, pour rejoindre un camping dans le village le plus au Sud des Pays-Bas, Eijsden.
25 mai
Ce matin je rejoins Maastricht facilement, grâce aux pistes
cyclables exemplaires, je m'arrête au premier supermarché sur mon
chemin, et là c'est la catastrophe : plus aucun repère 😱! J'avais un
peu honte alors je n'ai pas osé sortir l'application Google Translate.
J'aurais mieux fait. Comme il me reste un peu d'orgueil, je ne vous
dirai pas ce que j'ai acheté par erreur... en tous cas je n'ai pas
réussi à manger du fromage .
Je me suis retrouvé
en Belgique (flamande) assez vite, et l'itinéraire m'y a fait rester
jusqu'aux derniers kilomètres. Le trajet traversait de belles zones
naturelles. Hébergement chez un membre du réseau warmshowers.
26 mai
L'accueil warmshowers, c'est bien, mais parfois il n'est pas
si facile de quitter l'hôte, tellement on se sent humainement proche.
Encore un chaleureux souvenir...
De petites routes en pistes cyclables, toujours cap au Nord. Hébergement toujours grâce à warmshowers.
27 mai
Ce matin Geert (hôte warmshowers) m'a laissé sa maison, j'ai
pu prendre mon temps. Le parcours n'était pas très enthousiasmant
aujourd'hui : j'ai suivi des routes principales, sur les pistes
cyclables puisqu'il y en a partout, pour éviter le parcours fantasque de
la vélo-route. Donc des banlieues, des champs, le bruit des voitures
et... le vent de face, bien froid. Quelques montées, quelques
descentes... je viens de quitter la vallée de la Meuse et l'Eurovélo19,
que je suis depuis le troisième jour, à Langres.
J'ai traversé Nijmegen, ville étudiante, et ça se voit, et contourné Arnhem. Et passé le 1000ème km vers 11h. Après Arnhem, je traverse un parc national, vraiment joli. Grâce aux applications de cartographie, je repère un petit champ éloigné de tout chemin. L'endroit est totalement interdit d'accès. Du coup j'y suis très tranquille.
28 mai
La nuit a été vraiment froide, du genre à se lever plus tôt que d'habitude.
Beaucoup de passages sur les digues, dans les champs, loin
des habitations. Sur les digues, le vent de face, glacial, épuise. Il
paraît que cette vague de froid finit mercredi... j'ai croisé des
cyclistes avec bonnet et gants.
À peine je pose le vélo que mes voisins me sautent dessus, m'installent dans un fauteuil et me posent sur les genoux une assiette pleine de grillades, différents poissons et nombreux légumes. Un festin. Juste parce que je suis arrivé à vélo et que ça leur a plu.
29 mai
La nuit a été encore bien froide, avec de la pluie tôt le
matin. La journée a été glaciale, avec un vent de face assez vigoureux.
J'ai pédalé toute la journée avec bonnet d'hiver et gants.
Je me suis mis au système de navigation hollandais : les
itinéraires cyclables (des vrais, pas comme en France) se croisent,
chaque croisement a un numéro. On retrouve ces informations sur toutes
les cartes, les applications sur téléphone, et sur des panneaux. Il
suffit d'écrire sa liste de numéros (ou de la retenir, et ce n'est pas si
simple de mémoriser une liste de nombres qui change tout le temps).
C'est très pratique.
Ce soir camping (à la ferme), la température m'a rendu faible 🥶.
30 mai
Après une (nouvelle 😠) nuit glaciale et pluvieuse, je
profite d'une heure de soleil pour sécher, autant que possible, la
tente.
Hier j'ai appris qu'il y avait un ferry qui faisait la
Hollande-Kristiansand en Norvège. Le site internet indiquait complet, même pour les
cyclistes. J'ai tenté quand même ma chance en pleurnichant par mail,
mais ça n'a pas marché. Retour au plan A.
Passage par Groningen, ville plus agréable à vivre que touristique.
Question météo, trop c'est trop. Sous une pluie glaciale je
fonce vers un immense Décathlon, où je fais chauffer la carte bancaire.
Un sac étanche pour remplacer celui que j'avais, très léger mais trop
fragile, une veste de pluie légère, et... un mérinos... que j'ai enfilé
sur le parking sous la pluie. Et comme manger dans le froid humide ne me
fait plus sourire, cap vers Mac Donald, où je regarde au chaud tomber la pluie.
Et maintenant cap... plein Est, parce que je suis quasiment
arrivé à la mer du Nord. On voit les averses, des murs d'eau opaques
parfois, finalement je n'aurai pas été trop mouillé.
En fin d'après-midi, je fais un détour pour monter sur la
digue et voir la Mer du Nord. Vue peu spectaculaire, plutôt symbolique.
Je suis tenté d'y bivouaquer. Devant les panneaux explicites, je vais chercher un camping
et je tombe sur un petit coin de paradis... où le patron me dit que les
digues sont surveillées tous les soirs... et où mes voisins, les seuls du camping,
m'offrent le repas ! Un chouette couple âgé, ne se déplaçant qu'en
Estafette et en 4L, vraiment attendrissant. Et pour rigoler, on regarde
la météo à Tromsø (Nord de la Norvège), il y fait 22°, alors qu'ici
c'est à peine 9° ce soir.
31 mai
Ce ne fut pas la meilleure journée... le camping était
horriblement cher. C'était joli mais ça ne le valait pas. Je l'avais un
peu anticipé, donc je m'étais un peu lâché sur la douche hier soir 😄.
Passage de la frontière 🇩🇪. Me voilà en Allemagne. Quand
j'arrive pour traverser le fleuve, rien, pas de bateau le mardi... dit
le site internet. Donc détour de 40 km et itinéraire pénible pour
arriver chez mes hôtes warmshowers. Heureusement, leur accueil tellement
chouette m'a remis de bonne humeur. Bon, ça aurait été mieux qu'ils ne
me disent pas qu'il y avait quand même un bateau toutes les heures 😀.
Mais grâce à eux j'ai les 2 prochains campings. Ici non plus on ne fait
pas de camping sauvage. Et comme c'est plat, sans la moindre forêt,
impossible de se cacher.
1er juin
Je laisse la maison de Karen und Christian (encore une belle
rencontre) après quelques réglages sur le vélo. Je vais faire les
courses, et là c'est une belle surprise pour les prix. J'achète mon
premier "Berliner" 😋.
Passant sur le port, qui dessert les îles de la Frise, je
vois un ferry qui part dans 10 minutes... et pourquoi pas...? et hop !
(bateau n°6).
Il aurait été bien peu judicieux de ne pas venir. Je me suis perdu dans les dunes, sur les digues, entouré de centaines d'oiseaux marins, plongé dans leurs chants.
2 juin
Belle journée : beau temps, de longues parties à rouler à quelques mètres de l'eau, et un vent très favorable...
3 juin
Les journées se suivent et se ressemblent... jusqu'au milieu de l'après-midi, où je dois traverser l'embouchure de la Weser (bateau n°8).
De l'autre côté, Bremerhaven, un joli port où il fait bon se promener, un port industriel impressionnant. Ensuite c'est camping un peu chic, mais au bord de la mer... où le vent est très présent.
4 juin
J'ai revu, en plein milieu de la nuit, la lumière du jour qui
ne disparaissait pas complètement, plein Nord. C'est loin d'être le
soleil de minuit, mais c'est tellement étonnant, pour nous gens du Sud.
Journée de transition... c'est ce qu'on dit quand le seul intérêt de la journée c'est d'avancer dans la bonne direction. Courses pour 3 jours à cause des jours fériés. C'est lourd...!
Et c'est l'arrivée sur les bords de l'Elbe, tellement large, dans un camping où j'ai déjà dormi il y a 3 ans.
Ce soir c'est fête au camping, avec DJ (plus que septuagénaire) et variété allemande... du genre qui vous fait penser que vous auriez préféré Rammstein.
sur les bords de l'Elbe |
5 juin
La journée commence par la traversée de l'Elbe. Chaque
traversée d'estuaire, la Weser il y a 2 jours, l'Elbe maintenant, est
assez symbolique. Sur la route d'Itzehoe, où il y a une gare, je me fais héler
en français par un cycliste full carbone,... qui va au cap Nord
aussi,... sans aucun bagage. Ah, Madame suit avec le camping-car pour
que Monsieur puisse faire ses 200km par jour... Chacun son style pour vivre son rêve...
Et hop, un bon saut en train. Difficile de trouver la
motivation pour traverser le Schleswig-Holstein, plus de 2 jours de
plaines interminables. Et quand on m'a raconté qu'un voyageur cycliste, au bout de
l'ennui, l'avait fait en dormant le jour et en pédalant la nuit, pour ne
plus voir le paysage,... direction la gare, jusqu'à Niebüll, à une quinzaine de kilomètres de la frontière du Danemark.
Itzehoe |
Au Danemark, il y a un nombre impressionnant de "shelters", avec une application très efficaces pour les trouver et pour les sélectionner. Il y en a un quelques kilomètres après Tønder, juste après la frontière. Je m'attendais à
y trouver des familles, en ce week-end prolongé, et c'est désert. Il est un peu frustre, "primitiv" on dit en danois.
C'était vraiment une bonne idée, hier, de m'avancer d'un coup
de train jusqu'au pays des shelters : la pluie est revenue, toute la
nuit et ce matin, et j'étais bien au chaud, et la tente bien sèche au
fond de son sac.
Première des cinq journées nécessaires à la traversée du Danemark. Cinq jours, ça peut être long !
7 juin
Il a plu toute la nuit. Confiant dans le super site de
prévisions météo que je crois avoir trouvé, je pars en pensant que la
pluie va s'arrêter en début d'après-midi. C'est le contraire qui se passe. Dans les shelters, on dort au sec, mais rien ne sèche...
8 juin
Journée sèche . Tant mieux, pour l'instant je n'ai que des habits mouillés sur moi. Je rencontre en roulant Daniel, un suisse allemand, qui lui aussi va au cap Nord, mais qui est en "bikepacking", c'est à dire avec un vélo léger et très peu de bagages. Il a peur de ne pas y arriver à cause de la météo. Il a très mal vécu la journée de pluie d'hier, et discuter lui remonte le moral. On se quitte en espérant sincèrement se revoir. Mais ça n'arrivera pas. C'est à peu près là que je passe le 2000ème kilomètre.
Jusqu'à maintenant, quand je racontais que j'allais au cap
Nord et que j'étais parti de France, ça suscitait au moins un peu
d'admiration... ou de compassion ! À mesure qu'on progresse vers le Nord
du Danemark, les cyclistes qui visent le cap Nord se retrouvent
nombreux sur l'Eurovélo 3, et bientôt à Hirtshals, pour le bateau. On
n'étonne plus personne. "Et bien sûr vous aussi vous voulez aller au Cap Nord ?"
9 juin
Journée pluvieuse... on avance... le long des routes
principales (sur des bandes cyclables séparées, on n'est pas dans le
Tiers-Monde quand même) pour éviter les pistes non goudronnées de
l'Eurovélo 3 qui pourrissent le vélo, la chaîne...
L'entrée d'Aalborg est interminable. Je mange dans un abri bus le long d'une 2x2 voies. Le dernier kilomètre aura ruiné mes efforts pour garder le
vélo propre : séance nettoyage de la transmission en arrivant. Aux
shelters que j'ai visé, deux vikings construisent à l'ancienne une
cabane collective. C'est un endroit magique.
10 et 11 juin
Journée "lignes droites", pour éviter les extravagances du tracé de l'Eurovélo 3. Vent favorable, ça va vite.
Et puis c'est l'arrivée à Hirtshals, qui ne va pas sans un
peu d'émotion. D'abord des souvenirs géniaux vieux de trois ans. Et
c'est une première partie du voyage qui s'achève là, la
plus facile. Le camping de Hirtshals, c'est l'endroit où convergent les
cyclistes qui vont prendre le bateau pour Kristiansand, Stavanger ou
Bergen. J'ai déjà un ami pour la traversée, Walter, autrichien.
La journée du lendemain se passe à boire du café et à manger avec Walter, à lire, et le soir à rejoindre l'embarcadère.
à suivre...