Ah le confort de la selle Brooks... et celui des sacoches vraiment étanches, desquelles on sort des affaires sèches ! Le temps n'est plus au beau fixe, vraiment plus, et une veste imperméable n'est pas du luxe.
Départ de Grenoble en train, direction la Normandie, où j'aurais à peu près dû me trouver si tout s'était passé comme je l'avais imaginé. Changement de gare dans la capitale. La traversée de Paris ne me plaît pas. Il faut avoir l’œil partout, tout anticiper, ne penser qu'à la conduite. Le second train me dépose à Pont l’Évêque, dans l'après-midi. Honfleur, et le pont de Normandie avec sa piste cyclable scandaleuse. Ils ne sont pas allés voir le pont de l'île de Ré ou celui d'Oléron ? Mais la traversée est impressionnante. 45 km jusqu'au Havre.
Le Havre - Etretat - Fécamp - Dieppe : 130 km
C'est la météo qui le dit : ça va mouiller, avec un vent violent... de dos ! La Normandie est connue des cyclistes : soit on pédale sur le plateau et on ne voit que des champs, soit on descend dans les magnifiques villages, mais il faut remonter à chaque fois, pas d'échappatoire. Etretat est magnifique, Fécamp m'a plu, même sous une pluie battante, le reste... le bruit de la pluie sur la capuche de la veste, les gerbes d'eau soulevées par les voitures qui doublaient, le visage fermé des cyclistes que j'ai croisé, qui recevaient la tempête en plein visage. Pas de problème pour ce soir : Formule1.
Dieppe - Le Tréport - baie de Somme - Berck : 114 km
Le soleil est revenu, malgré quelques courtes averses. Je mange tranquillement devant la baie de Somme, quand un phoque passe à quelques mètres devant moi ! Mon hôte warmshowers de ce soir, spécialiste de ces animaux et des oiseaux, m'apprendra que c'est courant. J'en suis quand même stupéfait, moi qui vient de la montagne.
Berck - Boulogne - Calais : 96 km
Itinéraire de transition. Les paysages vers le cap Gris-Nez sont jolis. Tout le monde me déconseille de faire le détour vers le cap proprement dit, à cause du vent très fort. Calais, l'entrée du tunnel sous la Manche, et la misère du monde qui reste visible malgré les efforts pour la dissimuler.
Calais - Dunkerque - Ostende - Blankenberge : 134 km
Tôt le matin, je contourne la zone portuaire de Dunkerque par le sud (on ne peut pas faire autrement). A Dunkerque, début irréprochable de la vélo-route du littoral. Ne rêvons pas, cela ne dure que 2 km, ça s'arrête au milieu d'un carrefour où il n'y a plus aucune signalisation. Perdue la vélo-route ! Nous sommes en France.
Belgique : pistes cyclables partout, vélos prioritaires, ça ne pose problème à personne. Le front de mer est défiguré par des dizaines de km d'immeubles, parfois de plus de 10 étages. Mais rouler sur la digue avec le vent dans le dos à 35 km/h sans pédaler... c'est cool. Aïe, le camping est juste "un peu" cher. C'est le seul qui accepte les tentes.
Blankenberge - Bruges - Blankenberge : 40 km
Énorme tempête dans la nuit. Tout est trempé. Je plie la tente, elle pèse un âne mort, avec toute l'eau dedans. Les prévisions météo ne sont pas si mauvaises. Je pars visiter Bruges, un vieux rêve, puis retour sur la digue à Blankenberge où je fais sécher la tente, devant le regard curieux des touristes belges, bientôt rejoint par d'autres cyclos anglais qui trouvent l'idée assez bonne. Retour au même camping. Pas le choix. Nuit glaciale.
Blankenberge (B) - Ouddorp (NL) : 125 km
Le passage de la frontière se sent aussitôt : plus d'immeubles en front de mer, une atmosphère plus paisible partout, une nature bien plus présente. Passage en ferry d'un bras de mer (l'entrée du port d'Anvers), et traversée d'autres bras de mer sur les ouvrages d'art colossaux anti-inondations. Pas de mal à trouver un camping.
Ouddorp - Amsterdam : 143 km
On pédale dans une zone de dunes assez sauvage, en suivant la LF1 (vélo-route autour de la mer du Nord) sans réfléchir, et on se retrouve soudainement dans un cul-de-sac dans le port de Rotterdam, désert car on est samedi matin. Mais pas de panique : un petit embarcadère, le "fast ferry" est justement en train d'arriver.
Puis des km et des km de piste dans les dunes, jamais très loin de la mer. C'est juste magnifique. Des vélos partout, seul moyen pour accéder aux plages.
Un jeune espagnol établi à Amsterdam me guide pour traverser les faubourgs, jusqu'à l'embarcadère pour aller au camping. Le GPS aurait bien rempli son office, mais il ne savait pas que c'était le jour de la Gay-Pride. Certains quartiers étaient inaccessibles à cause de la foule.
Camping municipal assez sympa, où la tolérance de mise dans cette ville s'affiche (et se sent) partout.
Amsterdam - Anna Paulowna : 115 km
Ce soir c'est warmshowers. C'est pour cette raison que je vais dans ce village. Ça fait rire tous les hollandais : "mais qui voudrait aller à Anna Paulowna ?"
Encore des km et des km de piste parfaite dans les dunes. Anita pédale presque toute la journée avec moi. Elle veut pratiquer son français. Elle ne parvient à m'apprendre qu'à dire en hollandais "merci", en tutoyant et en vouvoyant. Je ne parviens pas à prononcer "s'il vous plaît" en hollandais. Je le dis tellement mal qu'elle déclare qu'en anglais tout le monde comprend. Journée sympa. Accueil très sympa aussi le soir chez Lia et son mari. Je ne suis pas le seul, il y a un autre cycliste, Raymond, letton.
Anna Paulowna - Leeuwarden : 98 km
Le grand jour, la grande digue. Celle où je rêve de pédaler depuis que j'ai vu une carte des Pays-Bas. Bon, pédaler 30 km sous la pluie à côté d'une autoroute, c'est moyen. Mais c'est pas grave. Leeuwarden est une jolie ville. Juuk me reçoit chez lui ce soir. Je mange des spécialités hollandaises délicieuses. Il m'explique le pays : on n'est pas chez les bisounours, j'avais une vision un peu angélique jusque là.
Demain je reprends le train jusqu'à Maastricht. C'est le calendrier qui a décidé.