24 août 2018

2018 été #3 : Italie, Sardaigne

Traverser l'Italie à vélo n'est pas toujours une partie de plaisir. Routes défoncées, conducteurs n'ayant aucune idée de ce que peut être une distance de sécurité quand ils dépassent, paysages... inégaux. Traverser l'Italie c'est aussi passer de splendeur en merveille, des villages perchés des Marches aux superbes villes de l'Ombrie. Et c'est traverser les Apennins, qui méritent à eux seuls qu'on y revienne.
 
 
Jour 25. Débarquement à Ancona. Enfin je peux parler et je comprends ce qu'on me dit ! J'ai tout mon temps pour traverser l'Italie, à cause du ferry Civitavecchia - Sardaigne. Du coup je décide de me payer le luxe d'un détour par Castelfidardo et Recanati, les villages des facteurs d'accordéons. Un pèlerinage quasi religieux. Même si on est en août et que tout est fermé, une photo de mon vélo devant l'entrée des établissements Castagnari me comblerait de joie. Au moment où je la fais, la porte s'ouvre. Le patron en sort. C'est une personne assez connue dans le milieu : tout le monde sait que pour contourner l'importateur et avoir un instrument moins cher, il faut lui téléphoner directement. Sa gentillesse est légendaire. "Vous voulez visiter ?" Impensable ! Presque deux heures de visite privée dans les ateliers déserts. Il y avait même un modèle prêt à être expédié à une méga star de la pop. Heureusement qu'il n'y avait aucun modèle prêt à être vendu, je pense que je serai revenu avec un accordéon, un de plus, sur le porte-bagages.
La journée n'est pas finie. J'avance par une route très fréquentée. Les conducteurs doublent serré, mais pas trop. Il y a surtout une distance, bien inférieure à celle obligatoire, en-dessous de laquelle les voitures restent derrière. Quand je l'ai compris, je mets la musique dans les écouteurs pour masquer le bruit de la route. Je ne me sens pas (trop) en danger. Il n'y a surtout aucune agressivité.
Bivouac difficile à trouver : comme ce n'est pas bien dissimulé, je monte la tente à la nuit tombée.


Ancona

Castelfidardo

Recanati

organetti Castagnari





Jour 26

Je continue sans trop me poser de questions, en privilégiant les petites routes et les petites villes. Les rencontres y sont faciles. Les mémés aux terrasses des bars sont assez intéressées par ce drôle de vélo. Je traverse les Apennins par un col si bas que je ne l'ai même pas vu. Bivouac dans un champ.



Matélica

Fabriano

les Apennins



Jour 27

Ce soir Perugia. J'ai réservé 3 nuits dans une auberge de jeunesse. Le tracteur du paysan me réveille. Départ sur les chapeaux de roues ! Je traverse des villages médiévaux magnifiques, séparés par des paysages bien abîmés. Sur les côtés de la route, tous les 200 mètres, des dames attendent sur une chaise. Quand je m'arrête sur une aire de repos, je gêne quelques messieurs. Tristesse. À Umbertide, petite ville, un autre cyclo tient à m'offrir à manger. Après avoir laissé mon vélo à l'auberge, je vais faire une première visite au centre historique. Une splendeur. Et on peut manger pour pas si cher. Les bières locales sont à la hauteur de la beauté de la ville.


Gubbio

Gubbio, la plus belle fontaine du voyage

Gubbio

Perugia



Jours 28 et 29

Consacrés à la visite de Perugia, et surtout de Rocca Paulina, la ville souterraine. Ici une ville superbe ne suffit pas. Il y en a une autre dessous. J'assisterai un peu par hasard à la répétition d'un opéra, un moment magique. Le second jour est surtout consacré au repos et aux rencontres. Le ferry est un mardi soir, et il vaut mieux attendre une journée à Perugia qu'à Civitavecchia.

Rocca Paulina

"Cosi fan Tutte"

Perugia


Jour 30

C'est reparti. On dit "un itinéraire de transition" quand on ne veut pas dire que c'est inintéressant et ch... enfin pénible, en plus d'être caniculaire. Impossible de trouver le bivouac à une heure décente. On poursuit en espérant trouver durant le kilomètre suivant, puis le suivant... et on se retrouve pratiquement à la nuit tombée sur un chemin de terre entouré de barbelés. C'est comme ça qu'on fait presque 150 km dans la journée.



Lubriano, la plus utile fontaine du voyage

Lubriano

Lago di Bolsena, depuis Montefiascone

bivouac in extremis


Jour 31

Civitavecchia n'est qu'à 25 km. J'y arrive tôt, forcément. C'est le port des ferrys pour la ville de Rome et ses environs. C'est géant. J'ai un peu de mal à trouver l'endroit où on vend les billets. Je passe l'après-midi à attendre l'heure d'embarquement sur une place ombragée, à lutter contre le sommeil. Au port, on me fait démonter mon vélo pour passer les sacoches aux rayons X. Je ne comprends pas trop : les bagages des voitures ne sont pas contrôlés, eux. Je m'abstiens de tout commentaire, ça fait gagner du temps. Encore de belles rencontres avec d'autres cyclistes pendant la traversée. Dont Ricardo, qui a fini la traversée chez les carabiniers de Tortoli. Il fumait des trucs interdits sur le pont, devant tout le monde, ça n'a pas dû plaire.


Civitavecchia

Jour 32

Les premiers contacts avec la Sardaigne sont géniaux : un patron de bar généreux, des paysages superbes, et des odeurs : curry, cyprès, cade, myrte,... et d'autres que je ne connais pas. Et ça durera jusqu'à la fin de la Corse. Pour le soir, j'ai repéré sur la carte ce qui pourrait être un bon plan : nuit en hamac sur un col qui domine la mer, face à l'Est, donc au soleil levant. Le site correspond. Je dors comme un bébé. Ce qui est un peu normal, chaque fois que je dors dans le hamac, j'ai au moins deux nuits de retard.


Arbatax, 5 heures

Le patron de ce bar, où j'attendais l'ouverture des magasins en buvant consciencieusement café sur café pour lutter contre les effets d'une nuit blanche, en apprenant ce que je faisais à vélo m'a donné une meringue, et 8 grosses viennoiseries délicieuses pleines de fruits secs, de miel et de confiture de figues.





Cala Gonone



Jour 33

Je modifie l'itinéraire que j'avais prévu : 120 km sans village, donc sans ravitaillement et surtout sans eau, ce n'est pas sérieux. Je trace vers le Nord par l'intérieur de la Sardaigne. C'est finalement assez beau. Et surtout très tranquille. Un village pour le repas de midi, une petite ville pour le soir, Ozieri. C'est tout. 100km. Trop. C'est pourquoi je me suis laissé mettre la main dessus par un type qui m'a amené à un B&B, contre un paquet de cigarettes. Ça ne choque personne ici. Le B&B est bien. Ça me résout aussi le problème du lieu de bivouac, tout est clôturé, et il y a des habitations partout. Ça fait un peu cher l'étape mais je suis bien content.


Cala Gonone. Photo prise du hamac, avant de se lever !

Dorgali



Jour 34

Bien reposé, je repars plein Nord, les sacoches pleines de nourriture, il n'y aura encore pas beaucoup de villes. Heureusement, l'eau ruisselle de partout, il y a des fontaines monumentales même loin des villes, où les gens viennent en voiture remplir des quantités impressionnantes de bidons. Le soir, même problème pour trouver un bivouac. Ah, il y en a un qui n'a pas cru bon mettre un gros portail et un gros cadenas à son tout petit champ. Hop j'y suis.






Jour 35

Et d'un coup je prends conscience que ce soir je serai en Corse, et que je vais pouvoir parler en français. J'ai quitté la zone francophone de la Suisse le 5e jour du voyage ! Après un court tronçon merveilleux, retour sur les routes touristiques, leur encombrement et les chauffards qui roulent dessus. Je reste très peu de temps à Santa Teresa di Gallura. Je saute dans le ferry, et les falaises de Bonifacio apparaissent. En descendant, je fais connaissance avec Rehda. On va pédaler ensemble jusqu'au lendemain. Fils d'immigrés tunisiens, parti faire du business à 20 ans aux  États-Unis, il y reste 20 ans. Il est professeur d'anglais à Pekin. Tellement humain, tellement chouette. Un camping à la ferme nous tend les bras : nous ne résistons pas à la tentation.


La pointe Nord de la Sardaigne. Au fond, les falaises de Bonifacio et les montagnes corses.





... à suivre