29 juin : 63° 59' lat N
On quitte Trondheim sous le soleil, après un jour de repos forcé à cause de la pluie. On ne l'a pas fait exprès, mais on se retrouve tous les cinq à la même heure, au départ du bateau express. Chacun part à sa vitesse, on se dépasse, on se perd, on se retrouve, on mange ensemble... L'itinéraire est magnifique. Dans l'après-midi je passe le 3000ème kilomètre. Au départ, ce n'était pas prévu, mais les choses ont fait qu'on se retrouve à quatre à Follafoss. Au début on commence à s'installer sur le stade, mais on se rend compte que sur le petit port il y a un espace bien plus agréable, avec eau chaude, et tout à fait autorisé.
Follafoss |
30 juin : 64° 35' lat N
C'est une sorte d'état de grâce. D'abord, se réveiller après avoir bien dormi dans un endroit confortable. Il fait soleil, chaud. Je vais rouler une partie de la journée torse nu, il fait 29°. Les paysages ont complètement changé. Maintenant, c'est de la forêt nordique à perte de vue, des
espaces sauvages sans barrière ni clôture. Cela va être très facile de
trouver des endroits pour bivouaquer sauvage. À tel point qu'on en
devient difficile. Tout le long du parcours, on cherche des yeux pour
voir des élans car les panneaux se succèdent tous les deux ou trois
kilomètres. Pour l'instant sans succès. On a vu notre premier panneau
routier "attention aux rennes". Au milieu de la journée, Flo m'envoie un message pour
m'indiquer la localisation d'un endroit de bivouac de rêve, au bord de
la mer au fond d'un fjord sauvage, où il m'attend. Walter reste au
camping à Namsos, et je pédale 30 km de plus, pas les plus faciles, pour
y arriver. C'est un endroit absolument exceptionnel. Flo essaie de
pêcher, on voit des bancs de poissons qui agitent la surface de l'eau,
et les mouettes qui font des piqués pour pêcher. Mais on mange du poisson en boîte acheté dans la journée au supermarché...😄
vue depuis le hamac à 23h |
1er juillet : 65° 04' lat N
Aujourd'hui on se lève tôt. C'est d'autant plus facile que le sommeil n'est pas venu dans le hamac. Le trajet commence par une montée qui pique les jambes. Les paysages, eux, piquent les yeux. Ils sont chaque jour plus magnifiques que la veille. J'attrape le ferry de justesse. Flo l'attendait depuis un moment. Chacun roule à sa vitesse, on se retrouve pour manger, en fin d'après-midi, et au bivouac. Le soir, le lieu prévu ne convient pas. On improvise et on trouve un espace autour de hangars à bateaux. On se rend aux maisons juste au-dessus pour demander la permission, on tombe sur le seul Norvégien qui ne parle pas anglais. On parle avec les mains, on entend un "yes" qu'on interprète comme une approbation. Un peu plus tard, Jans nous rejoint. Il est suédois, et fait le tour de la Scandinavie... à pied en poussant une remorque. On l'avait rencontré 15km avant dans une supérette, il a pris le temps - 3 heures - de nous rejoindre.
2 juillet, 65° 52' lat N
Aujourd'hui on avait décidé de se lever tôt, pour attraper le
premier ferry. Il y en a trois aujourd'hui. On veut faire un maximum de
kilomètres, on sait que la météo se dégrade en fin d'après-midi, le
dénivelé est faible, et on va profiter d'un puissant vent de dos.
Évidemment j'ai discuté un peu trop longtemps avec Jans qu'on n'allait
plus revoir, et j'ai dû pédaler comme un débile pour ne pas rater le
premier ferry.
De l'autre côté du fjord, il faisait 10° de moins, et un vent
très fort. Les kilomètres ont défilé à une vitesse impressionnante,
sans avoir besoin d'appuyer fort sur les pédales. Dans la journée, un avis de tempête est publié pour ce soir et cette nuit. On réserve une cabine dans un camping. On avait prévu de faire les courses en débarquant du 3ème
ferry, tout fiers d'avoir pensé à anticiper la fermeture des magasins le
dimanche. On a appris à nos dépens que le nombre entre parenthèses qui
suit les horaires concerne le samedi, pas le dimanche. On se retrouve
devant le supermarché fermé, sans rien dans les sacoches à manger pour
deux jours. Flo se rappelle avoir lu qu'un autre camping, plus proche,
propose des pizzas. On y arrive rapidement. Des pizzas, oui, une cabine,
non. Mais les gérants ne veulent pas nous laisser camper, à cause de
l'avis de tempête. Ils vont chercher des lits pliants et nous les
installent dans une salle commune... pour le même prix que la tente.
Les mots sont difficiles à trouver devant tant de gentillesse.
Offersoy Camping |
3 juillet, 66° 20' lat N
Ce matin, au réveil, c'est la surprise. La vue depuis le camping et absolument magnifique. Avec Flo, on a un petit bout de chemin à faire ensemble, mais
ensuite c'est terminé. Nous nous séparons sur un parking de supermarché
désert, à Sandnessjøen, après avoir fait nos courses pour la journée. Il part en ferry jusqu'à Bodø, pour essayer de rejoindre les îles Lofoten le plus vite possible.
Je repars tout seul, mais comme à chaque fois, pour peu de
temps. Je rencontre à nouveau Eva sur le chemin, quelques kilomètres
plus loin.
J'essaie d'aller au camping de Nesna, mais les prix sont
totalement délirants. Du coup je décide de prendre un bateau express
pour Stokkvagen et là je vais chercher un coin de bivouac tranquille.
Pendant que j'attends le bateau, Eva me rejoint. Elle est motivée pour
m'accompagner dans le bivouac sauvage. Il n'y a pas que Eva qui me
rejoint, la tempête aussi est arrivée. Trente minutes de bateau express plus tard, trente minutes de
plus dans le waiting hall du ferry pour attendre la fin de l'orage, et
le bivouac est trouvé en quelques minutes... Question paysage, on aura connu pire.
le célèbre pont de Sandnessjøen |
Nesna |
Stokkvågen |
4 juillet : 66° 44' lat N
Je repars, seul, de Stokkvagen. L'endroit était absolument magnifique. Il y a très peu de circulation, et le décor est époustouflant. J'arrive au débarcadère du premier ferry de la journée. Il y a une heure à attendre. Je retrouve quelques cyclistes et même un motard rencontrés la veille, on papote. Lors de la traversée, on franchit le cercle polaire arctique. Sur la côte, on voit un monument qui matérialise cette ligne. Là, je suis vraiment ému. Les paysages changent ils deviennent encore plus grandioses, c'est vraiment difficile de décrire les émotions. Au fond des fjords, on aperçoit une immense calotte glaciaire. À un moment, je me retourne pour profiter encore du décor, et là je vois des nuages noirs menaçant venir vers moi. J'accélère, pour arriver à l'embarcadère du deuxième ferry de la journée avant la vague de pluie. Le camping est juste de l'autre côté du fjord.
passage du cercle polaire |
Furøy camping |
6 juillet, Reipå, 66° 54' lat N
J'avais passé du temps hier soir à planifier les prochains
jours, en commençant par un jour de repos, une nuit supplémentaire, dans
ce camping. Ce matin les prévisions météo ont empiré pour la zone où je
suis, mais le temps devrait être tout à fait acceptable (c'est-à-dire
glacial, gris, mais sans pluie) aux îles Lofoten.
Donc changement de plan, départ précipité pour Ørnes, où je
compte prendre un bateau express pour Bodø, et de là un ferry en fin
d'après-midi pour les Lofoten. Mais rien ne se passe comme prévu, on se retrouve plusieurs
voyageurs à attendre interminablement un lointain ferry dans une minuscule salle
d'attente. De là je réserve une cabine dans un camping un peu plus loin.
Je me suis entendu dire "ok" quand on m'a annoncé le prix, pourtant
élevé. C'est parce que je regardais dehors la pluie cogner les vitres.
Je demande à tous ces gens si quelqu'un est intéressé pour partager, et
bingo ! Rob est partant. Du coup, entre ce partage et le prochain
camping très cher que j'évite, j'ai trouvé involontairement la
solution la moins chère pour me rendre aux Lofoten. Mais qui coûte un
bras quand même 😒. Avec la météo annoncée pour les prochains jours, le
bivouac n'est plus envisageable. Après le ferry, on est cinq à pédaler vers le même camping.
Il est à moins de dix kilomètres, mais ça devient épouvantable. On voit
des trombes d'eau passer presque à l'horizontale. Ces moments confirment
qu'on est plus fort à plusieurs. Je me sens bien avec ces quatre-là :
même âge, même passion pour le vélo... Rob était instit aux Pays-Bas. Ça
rapproche.
6 juillet, Bodø
Je suis parti un peu tôt ce matin, pour retourner à Ørnes
prendre le bateau express. Du coup j'ai échappé à la pluie. Le quai du
hurtigbåt n'est pas le même que celui des ferrys, mais je commence à
avoir des repères. En attendant dans un hangar avec tout le monde, je
vois passer et repasser un phoque à 20 mètres du quai. Avec un vieux
monsieur, on bavarde un bon moment - le bateau est en retard. Il me dit
que la région entre Trondheim et Bodø est réputée très pluvieuse l'été,
qu'il pleut beaucoup moins plus au nord. Rêvons un peu 🙄! Mais il
ajoute avec malice qu'il peut neiger n'importe quand au cap Nord. C'est
en fait ce qui y est prévu cette semaine.
Le voyage en bateau express est spectaculaire. Il va très
vite et parfois slalome entre des îlots, des falaises verticales qui
tombent droit dans la mer.
Arrivé à Bodø, je dois attendre le ferry de 13h30 pour les Lofoten, qui est annulé, puis celui de 16h.
Bodø |