On dit que les îles Lofoten sont magnifiques. Elles sont encore mieux que ça. On dit que l'île de Senja est plus sauvage et plus belle que les îles Lofoten. Elle est encore mieux que ce qu'on en dit.
6 et 7 juillet, Moskenes, 67° 54' lat N
Pendant les quatre heures de traversée, la mer est houleuse,
le bateau secoué, on se retrouve plusieurs fois dans un état proche de
l'apesanteur, les estomacs détestent ça, c'est une épreuve. Le camping de Moskenes est complet, sauf pour les tentes qui
sont entassées les unes sur les autres. Le tarif n'en est pas moins cher. C'est là que je vais rester
demain, car il est prévu de la pluie... toute la journée. C'est dommage : je voulais faire la célèbre randonnée de Reine.
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Moskenes |
8 juillet, 68° 12' lat N
Hier, je suis resté scotché au camping par le mauvais temps,
"stuck in the tent", comme on dit entre nous.
J'ai tenté d'aller faire une
petite randonnée sous la bruine, j'ai dû renoncer au bout de 300
mètres, de la boue jusqu'aux genoux, les pieds trempés, juste ce que je
voulais éviter. J'ai rencontré dans la
soirée des gens adorables, au moment du repas. La journée grise et froide finit avec la
chaleur humaine.
Après beaucoup d'hésitations, je me décide à partir ce matin,
sans attendre l'amélioration demain. J'ai profité d'un répit de la
pluie pour plier, là j'ai vraiment eu de la chance. Par contre, je suis
parti sous le crachin bien froid. Les 60 premiers kilomètres sont sur la
route principale...😠. Les paysages n'en sont pas moins magnifiques,
même sous la pluie. En sortant du supermarché, vers midi, les prévisions météo
annoncent un répit de 2 heures. Pas de café au chaud, pas de repas, je fonce, j'en
profite au maximum. L'itinéraire fait passer sous le premier tunnel
sous-marin. C'est absolument terrifiant. Dans la remontée, le vernis de
bonne conduite de certains conducteurs norvégiens craque. Je me réfugie
sur le (tout petit) trottoir en face, et je termine en poussant le vélo. Finalement j'arrive au camping visé à 15h, sans avoir mangé. Il est au fond d'un fjord complètement sauvage. Et là la pluie revient. J'attends interminablement au bar du
camping qu'elle diminue un peu pour monter la tente... J'ai de la
chance : le premier camping avec une vraie cuisine spacieuse et une
pièce commune bien chauffée. Demain devrait voir le soleil revenir...
Puisqu'on parle météo, sur les bulletins de prévision, il n'y a plus d'informations sur les heures de
lever et de coucher du soleil : on est en jour polaire permanent.
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Les îles Lofoten : 355 km de long !
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9 juillet, 68° 25' lat N
Peu de choses à dire, beaucoup de choses à montrer. J'avais décidé de profiter au maximum de ces journées ensoleillées
pour avancer. Martin, rencontré à Trondheim, et qui roule beaucoup plus
vite, continue à nous envoyer les bons plans qu'il a trouvé en chemin.
C'est comme ça que je trouve ce shelter pour cyclistes, au bord de la
mer, orienté plein Nord, c'est important... et que j'y rencontre
François et Dillon, avec qui tout se passe tout de suite tellement bien.
On décide de ne pas monter les tentes et de dormir dans cet
"aquarium", qui est fait pour ça. Il y fait horriblement chaud, mais on a
tellement eu froid les jours précédents qu'on a quelques millions de
calories à récupérer. Et c'est depuis cet endroit magique, que pour la
première fois, au milieu de la nuit...
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Minuit ! (heure solaire)
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10 juillet, 68° 45' lat N
Toujours vers le Nord, passant d'île en île par un ferry ou par des ponts vertigineux.
11 juillet, 69° 16' lat N
Départ sous la grisaille. La végétation se transforme en toundra. Dillon connaît ces fruits orange qu'on voit partout par terre.
On s'arrête, ils sont mûrs et... délicieux. Les multe, en français
"plaquebière". On est obligé de faire les courses dans le seul supermarché
de la journée. Bilan : 35 € pour la nourriture d'une personne pour un
jour. Cela va arriver de plus en plus souvent.
L'après-midi est complètement différent. François est parti en avance. Avec Dillon, on cherche un coin
de bivouac, pas très longtemps en fait. Même nous, nous n'en croyons pas
nos yeux. L'île au fond est la colonie de macareux la plus connue au
monde.
12 juillet, île de Senja, 69° 27' lat N
Ce matin on traîne pour quitter ce lieu magique. On a le temps, le prochain ferry pour Senja est à 13h00. À
Andenes, on fait des courses pour plusieurs jours, il y a peu de
possibilité pour s'approvisionner jusqu'à Tromsø. On a même réussi à
trouver un vrai café, le premier depuis que j'ai quitté la France.
On a vraiment passé beaucoup de temps à planifier ces jours,
parce l'itinéraire vélo passe par une route sublime, mais absolument
fermée. On a eu l'information qu'on pouvait l'emprunter entre 20h et 7h.
On a vraiment commencé à pédaler vers 14h30. Le parcours a été rude, d'autant plus que j'ai attrapé un
vilain rhume (normal, avec ces conditions météo...). On a mangé sur une
plage... Vers 21h on arrive à la route fermée, des dizaines de
kilomètres rien que pour nous, des tunnels qu'on traverse en zigzagant
et en criant... et des voyageurs comme nous dans les deux sens qui ont
eu la même idée. On ne trouve un coin de bivouac que bien après minuit, des
millions de moustiques au mètre cube, et il ne fait vraiment pas chaud
dans le jour polaire à minuit quand on ne voit pas le soleil.
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Andenes |
13 juillet, Tromsø, 69° 39' lat N
...et la pluie est revenue, pour plusieurs jours. Bon, comme
on est un peu des angoissés des prévisions météo, on le savait. Ça, plus ce rhume (en fait une bronchite) qui m'épuise, je décide de faire un gros arrêt à Tromsø.
J'ai beaucoup d'avance sur ce que j'avais prévu (même si je n'ai aucune
contrainte de temps), et Dillon est partant pour partager plusieurs
nuits. On profite du répit du ferry pour booker un petit hôtel. On en a
le cœur beaucoup plus léger... la pluie ne s'arrête pas...
Dans la soirée, on calcule le nombre de kilomètres qui
restent pour atteindre le Cap Nord. Et là, c'est la grosse (bonne)
surprise !
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Tromsø |
Quatre jours scotché à Tromsø... toutes les peines du monde à
faire changer la chaîne et la cassette, au bout de l'usure. Le pédalier
aurait aussi mérité d'être changé, mais il n'y en a pas, ou il faut
attendre deux semaines. Vendredi, après avoir changé les plaquettes de
frein, je nettoie le vélo et je m'aperçois que la jante arrière est
finie, fissurée. Je passe le week-end (totalement pluvieux heureusement) à me
demander si tout ne va pas s'arrêter là. J'ai des doutes, légitimes, sur
le fait de pouvoir trouver une roue de vélo de voyage à Tromsø.
Spoiler : lundi matin, au troisième (et dernier) magasin de vélo, il y a une roue
compatible. Pas une roue de vélo de voyage, malheureusement. La seule
option est de s'alléger. Vu les tarifs postaux, il n'est même pas
envisageable de renvoyer du matériel. Je garde les habits d'hiver, je
laisse le tarp, et bien d'autres choses.