18 juillet, 69° 44' lat N
C'est enfin le départ, à 13 heures. Une dizaine de kilomètres sur une
route principale, bien pénible. Il fait gris, et terriblement froid. La
chaîne saute de temps en temps. Tout ce que je demande, c'est que ça
tienne 550km. Je vais beaucoup marcher en poussant le vélo dans les
montées. Je profite des ferrys pour me réchauffer, mais les traversées
sont courtes. Dans le premier ferry, il y a un bus pour Alta. Il s'en
est fallu de peu, j'ai failli céder à la tentation.
Les montagnes sont écrasantes, elles ont les pieds dans la
mer. Le regard est attiré par certains névés aux couleurs
inhabituelles... ce sont des glaciers ! Altitude au moins 200 mètres. J'attrape le second ferry à deux minutes près. Là encore je
soupçonne l'employé qui ferme les barrières de m'avoir vu de loin et de
m'avoir attendu.
Au débarcadère, appel vidéo WhatsApp parce qu'il y a plein
d'anniversaires dans la famille. Le genre d'activité où on prend un
sérieux risque de regretter d'être parti. Encore 20 km, dont 10 sous la pluie, pour rejoindre Douglas,
dans une cabane chauffée au feu de bois. Manifestement on n'avait pas le
droit d'être là, mais qu'est-ce que c'était bien. On s'y retrouve cinq
cyclistes.
19 juillet, 69° 50' lat N
20 juillet, Alta, 69° 58' lat N
Il pleut ce matin. Je m'étais levé vers 5h30, vaincu par la
lumière. Pas le temps de faire sécher la tente, tout est mouillé. Départ
à... 7h! Le vélo marche beaucoup mieux : hier soir, j'ai réindexé les
vitesses, ça ne saute plus. Le mécano à Tromsø ne devait pas savoir que
c'est mieux de régler les vitesses quand on change une roue.
Douglas part devant comme une flèche. Il veut faire resserrer les rayons de sa roue avant à Alta... à 120 km.
Aujourd'hui je sais que ça va être long. Il faut arriver à
Alta pour que l'étape de demain soit réalisable. Demain c'est la partie
la plus sauvage. 80 km sans rien, une bonne partie à 400m d'altitude, ce
qui change tout. On n'a pas envie de bivouac au milieu de nulle part,
surtout que la pluie est annoncée. 130 km aujourd'hui, 110 demain, 130 après-demain.
Aujourd'hui c'était ciel bleu. Pour la première fois j'ai vu des rennes. À midi, on s'est retrouvé par hasard avec Mélanie et Justav,
avec qui on bivouaque depuis deux jours. Plus tard, on s'est aidé avec
Justav pour franchir un petit problème, une route bien coupée, pas vraiment signalée.
Justav a un bullit, un vélo cargo. On est passé par-dessus.
Justav s'est arrêté dans un chouette endroit, 30 km avant Alta. J'ai rassemblé, avec difficulté, ce qu'il me restait de forces pour continuer jusqu'à Alta. Pour la première fois j'ai vu ce panneau. Quelle émotion !
Le célèbre panneau qu'on retrouve en photo dans tous les blogs ! |
Douglas et Mélanie m'attendaient. On a trouvé un coin de
bivouac vraiment sympa. À cause de la pluie annoncée pour le début
d'après-midi demain, on a loué une cabine à l'arrivée, à Olderfjord.
Savoir qu'on va dormir au sec après plusieurs heures de pluie glaciale,
ça détend l'atmosphère...
Alta |
21 juillet, Olderfjord, 70° 28' lat N
Ça y est, c'est passé, la route mythique, 80 km sans rien, même pas de l'eau potable, au milieu de la toundra, à 400m d'altitude, où les arbres sont rares et rabougris. Il peut neiger ici n'importe quand dans l'année. On a vu des vidéos avec des cyclistes en train de pleurer, ici. On s'était levé tôt pour arriver tôt. La météo a été favorable : un solide et tiède vent de dos. Je retrouve tous les noms des livres que je suis en train de lire : Skaidi, Hammerfest...
À Skaidi justement, je mange local dans une station service :
hot dog entouré de bacon, coca. Ça dégouline de graisse, c'est pas
vraiment mauvais mais pas bon non plus... Très efficace comme apport
d'énergie !
Plus que 20 km pour rejoindre la cabin à Olderfjord.
Olderfjord : en une journée, est-ce raisonnable ? Non. Est-ce faisable ? On décide que oui. |
22 juillet, Nordkapp, 71° 10' 21" lat N
Ce matin on s'est levé à 6h, pour partir à 7h30. Comme d'habitude chacun va à sa vitesse. Il n'y a rien à acheter jusqu'à Honningsvåg, c'est-à-dire à 100 km. Il y a un fort vent glacial, il ne nous est pas franchement défavorable.
le long de Porsangerfjorden |
Au loin, l'île de Magerøya (celle du Cap Nord) et la ville de Honningsvåg |
Le franchissement du célèbre tunnel a été moins pire que
prévu. Il est beaucoup plus large que ce qui est parfois décrit. Le
bruit par contre est au-delà du supportable. Pendant de longs moments
j'avais l'impression de ne plus avoir de cerveau entre les oreilles.
À
Honningsvåg, je retrouve mes compères, dans une station-service, forcément. Je
profite de la gastronomie norvégienne, c'est-à-dire de hot-dogs bien
gras et sans aucun goût, mais plein de calories. Et après déjà 100 km
parcourus, on commence les 30 derniers, qui vont être vraiment
difficiles. La majorité du parcours est constituée de pente à plus de
8%. Mais les paysages sont à couper le souffle. Le vent est violent (il y
a un avis d'alerte) et glacial... comme d'habitude, mais en pire, parce
qu'on est à 300m d'altitude. Plus d'arbre, végétation rase, des
troupeaux de rennes un peu partout. Mélanie fait remarquer que la nature
semble nous dire que notre place n'est pas ici, qu'on devrait quitter les lieux.
À l'arrivée, au péage, c'est la bonne surprise. Les cyclistes
ont droit à un traitement de faveur. On nous donne le passe pour
l'entrée dans le bâtiment touristique. On peut y rester autant qu'on
veut pour se protéger du froid, du vent, de la pluie. D'abord, avec
Mélanie et Douglas, on va se faire prendre en photo sous toutes les
coutures à côté du monument officiel, c'est-à-dire le célèbre globe en
métal. Et après on reste des heures dans la grande salle du bâtiment,
pour tenter de se réchauffer. Arrivée à 18 heures.